Si l'on considère qu'il est important de s'exposer à une grande quantité de notre langue étrangère d'intérêt, alors il coule de source que la quantité de texte que l'on absorbe dans la journée est également importante. Si je double ma vitesse de lecture tout en gardant une bonne qualité de compréhension, alors je tire plus d'avantages à chaque moment où j'ai un livre en langue étrangère dans les mains.
Il existe, bien sûr, une différence majeure entre écouter et lire en langue étrangère. L'écoute se fait à une vitesse fixe, imposée par le locuteur, et peu importe que l'on comprenne ou non, le discours se poursuit. La lecture en revanche est plus flexible en cela que le rythme dépend hautement de l'aisance du lecteur dans la langue du texte. Elle peut être plus lente que le rythme oral, mais elle peut aussi être plus rapide une fois parvenu à une certaine aisance de lecture.
La vitesse augmente par étapes.
1 - le lien entre la lettre et le son.
Pendant un bout de temps, j'avais bien du mal à lire en russe car certaines lettres ont la même forme en alphabet latin et cyrillique. Mais elles sont pourtant bien différentes.
Parmi les plus gênantes je pourrais citer P=R, B=V, m=t, n=p, g=d, u=i, y=ou, et bien sûr, le fameux N inversé qui est en fait un "i".
Ce genre de superposition lettre/son dans les deux alphabets est extrêmement gênant, en particulier au niveau débutant et intermédiaire, et m'a longtemps donné le mal de crâne. Il faut s'exercer suffisamment, persévérer, pour créer un espace au second alphabet et que ces interférences disparaissent entièrement.
2 - le lien entre le mot et le sens/son
Arrive le moment où l'on établit un lien entre la forme des mots et leur sens. C'est sans doute la partie la plus longue. Lorsqu'on lit du texte en langue maternelle, on ne lit pas chaque lettre les unes à la suites des autres. On reconnaît les mots par leur forme, ce qui nous permet de glisser sur les lignes à bonne vitesse. On fixe les yeux sur un point et le cerveau décode les mots autour de ce point. Dans une langue étrangère, en revanche, il nous faut décoder laborieusement la séquence des lettres dans les mots, surtout s'ils sont longs, et ce, même si ces mots nous sont connus. C'est seulement après avoir lu de nombreuses fois le même mot que leur forme s'imprime sur la rétine. Cela se passe lentement, d'abord pour les syllabes fréquentes, les racines des mots, puis pour les mots entiers.
3 - Le plus grand ennemi de la vitesse de lecture est le manque de vocabulaire. Il n'y a pas de mot que l'on ne lise plus lentement, qu'un mot que l'on découvre pour la première fois. Pour cela, il est inutile de s'entraîner à lire vite avec des texte dont le vocabulaire dépasse encore trop notre vocabulaire. Pour m'entraîner à lire vite, j'aime avoir des livres avec un vocabulaire bien connu, pour éviter d'avoir à lire lettre par lettre. Chaque chose en son temps - soit le vocabulaire, soit la vitesse de lecture - mais les deux aspects s'améliorent l'un l'autre.
4 - Il y a quelques années je jouais à Starcraft 2. J'adorais ce jeu et je voulais absolument passer de la ligue diamant à la ligue master. Mais à Starcraft, une limite de niveau est atteinte si l'on est pas capable d'augmenter sa vitesse de jeu. Je me souviens bien d'avoir pris du temps pour me forcer à cliquer plus vite, à penser plus vite, à ne pas laisser filer une fraction de seconde sans cliquer quelque part. Au bout du compte, ce sentiment de se forcer à être plus rapide a nettement augmenté ma vitesse de jeu et m'a permis de passer dans la ligue d'au dessus. Ce que j'en ai retenu aujourd'hui, de toute cette frénésie de clique, c'est qu'une vitesse qui était en dehors de ma zone de confort m'est ensuite devenue facile, naturelle, simplement à force de s'exercer. Je suis certain que ce même phénomène existe dans la lecture.
5 - Je ne désire pas lire vite si cette accélération se fait au détriment de la perception du texte. Inutile de lire vite si l'on n'en ressent plus le texte. Mon objectif en m'exerçant de temps à autre à lire plus vite, est de pouvoir pleinement savourer le texte en lisant à la même vitesse que dans ma langue maternelle. Il n'y a pas d'effort particulier et le débit est rapide. L'exposition aux mots, aux tournures, aux proverbes, aux idées intéressantes, alors, augmente, et dans ce cas on peut vraiment dire que la vitesse de lecture ne nous apporte que du positif.
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