Tu vas nous quitter dans quelques jours et je ne sais pas trop comment réagir. Je suis contente pour toi, certes, tu vas beaucoup me manquer. Je ne sais pas quel goût aura mon quotidien sans toi, ma soeur.
Notre relation n'a rien d'ordinaire, je dirai c'est partiellement dû à ton tempérament difficile et partiellement à mes sensibilités particulières ; mais elle n'a absolument rien d'ordinaire. On a connu des hauts et des bats, dans comme toute relation humaine mais nos bas étaient plus bas que la normale, tu penses pas ?
On ne parle pas beaucoup de relations fraternelles de nos jours, encore moins de la séparation de la fratrie, quand chacun de ses membres quitte le nid pour faire sa vie. Je pense qu'il existe toujours dans les fratries nombreuse ce(tte) frangin(e) qui le vit très mal. Et malheureusement -ou peut être heureusement- c'est moi dans ce cas.
J'aime beaucoup mes frangins, on a eu une enfance très intéressante . On s'aimait, on se détestait, se protégeait, on s'amusait, on pleurait toutes les larmes de nos petits corps quand la vie n'allait pas bien. Mais surtout on a tout partagé ensemble ; nos soucis, nos complexes, nos goûts musicaux extravagants et nos ambitions les plus chères.
Ma grande soeur était le membre le plus important de ma famille. Elle était cet être merveilleux que je regardais souvent avec admiration, et parfois avec mépris. Elle était tout ce que je n'étais pas à l'époque, elle parlait couramment avant que je puisse dire mes premiers mots. Elle faisait ses petites tâches quotidiennes de petite fille docile, elle apprenait à indiquer l'heure sur la pendule avant que le concept de temps ne figure dans mon esprit de petit enfant ; et j'étais complètement éblouie par cet être magique et adapté qui comprenait à interagir si parfaitement avec un monde si beau et complexe à la fois.
Notre évolution fut encore plus sophistiquée ; à notre début d'adolescence on s'est faite la promesse de toujours se pardonner si une de nous déconnait - une promesse qu'on a pas su tenir au fil des années . Quelques années après, elle développait un penchant morbide pour l'argumentation, ce qui signifiait que j'ai toujours perdu en disputes - même quand j'avais clairement raison !
Rien ne peut résumer les expériences de chacun de nous, elles sont tellement riches en émotion et souvenir que les mots disparaissent à la tentative de les décrire telles qu'elles étaient vraiment. Je voulais tellement ressembler à ma soeur que cela a rendu la tâche etre moi meme plus difficile. J'étais tout le temps en compétition avec elle, de manière intentionnée ou pas, tandis qu'elle était plus calme et réservée.
Maintenant, elle n'est plus la fille qu'elle était avant. Ma grande soeur est une femme qui trace son chemin dans la vie avec assurance et fermeté. Elle a marqué plusieurs succès dans son parcours ces dernières années, et moi de mon côté, j'ai marqué les miens. Néanmoins, j'ai l'impression qu'on a toujours envie d'avoir l'approbation de sa grande soeur ; cette figure pseudo-maternelle protectrice, qui nous veut du bien malgré nos bêtises incessantes. Mais parfois on y peut rien. On empreinte de différents chemins et la vie continue ; oui la vie n'attend personne. La réconciliation entre le passé et le présent devient alors un effort personnel, mais à quel prix l'alliance se fera-t-elle ?
Le meilleur qu'on peut faire parfois est un texte quasiment incompréhensible qui détient une émotion difficile à distinguer. On est l'ensemble de nos choix personnels et les circonstances imposées par des forces bien plus puissantes que nos désirs individuels confondus. Ma soeur ne sera jamais sa version de 8 ans, et moi je serai un peu plus mûre un jour. Et ce texte qui ne doit être public, le sera -sauf si Robin supprime nos publications pour une raison ou une autre. En fin, en dépit du caractère flou de mes idées et espérances en ce moment, j'ai hâte de savoir ce que la vie nous réserve à nous deux.
Je te souhaite une vie de plénitude, de bonheur.. en bref, une vie bien vécue.
-Ta petite soeur
@ Maniella. Je vais essayer de répondre en français. - J'ai 5 sœurs et 4 frères. Je suis la ainée des filles adoptées. Nos âges s’épandent sur trois décennies. Ça fait pour beaucoup de relations compliquées. Je me sens plus proche avec les sœurs un an moins et quatre ans plus de mon âge. Les autres ne peuvent gère me voir que comme la petit sœur malgré que nous sommes tous d'un âge avancé maintenant. Je pense que ça s'est produit parce-que ils ne s’intéressent pas à mes idées et la nature philosophique des relations humaines. Ben, après on quitte le nid, il y a beaucoup de choses à faire pour trouver comment on va organiser sa vie. Quelles traditions de la vie familial veut-on respecter et continuer ? est-ce qu'il y a des choses qui nous bloquent et qu'il faut jeter? Pour moi j'ai pris quinze ans pour retourner à la famille et ce sont les mêmes deux sœurs qui rirent avec moi et qui partagent leurs histoires avec moi. -
@Silly7 Je vous remercie énormément de partager votre histoire, ça me touche beaucoup. Je pense que quelque part, les petites soeurs - quelques soit leur âge - ont cette tendance à vouloir que toute la famille soit réunie et que l'amour et la compréhension règnent entre ses membres. Cela peut paraître un peu naïf oui ; comme un rêve de petit enfant écrasé par la réalité du monde, et d'une nature humaine quelques fois impitoyable. Mais ce rôle particulier porte en lui le désir de comprendre l'autre, l'amour inconditionnel et éventuellement la sagesse que seule les petites soeurs ont le mérite d'avoir. Comme vous l'avez parfaitement indiqué ; on a aussi nos chemins individuels à emprunter. La vie fait qu'on passe à autre chose, et on n'a que trier ce que ne voulons vraiment garder de l'héritage de ses liens doux-amers.